dimanche 30 octobre 2011

Réunion : "Le Dash 8 n’est pas la solution immédiate"

Des élus, comme Huguette Bello et Claude Hoarau, et une grande partie de l’opinion publique en sont convaincus : seul le Dash 8 peut sauver les forêts des Hauts de l’Ouest et du Sud. Et c’est pour cette raison que le préfet Michel Lalande doit faire face à la colère de ces mêmes élus qui exigent le retour de l’avion et qui accusent l’Etat d’incompétence ou encore de vouloir faire des économies sur le dos du patrimoine réunionnais.

Le Dash 8 est-il bien ce puissant oiseau de fer capable de mater le grand incendie en quelques coups d’ailes et de largages d’eau ? Pour les spécialistes des feux de forêt, la réponse est non. En tout cas, pas tout de suite et pas dans la situation que traverse actuellement la Réunion. “On prête à cet avion un pouvoir qu’il n’a pas”, explique un expert. Pourtant n’est-ce pas cet appareil qui, l’an passé, s’est révélé décisif ? “C’est faux, répond la direction générale de la Sécurité civile, à Paris.

Pour les experts, un mythe s’est créé à la Réunion autour du Dash 8. “Beaucoup de personnes considèrent qu’en 2010, la solution est venue du ciel mais ce n’est pas exact, précise le lieutenant-colonel Florent Hivert, porte-parole de la direction générale de la Sécurité civile et de la gestion des crises. L’an dernier, le Dash 8 était entré en action alors que les pompiers étaient “maîtres du feu”. Le plus gros du travail avait été fait sur le terrain par les pompiers, les militaires, les agents de l’ONF et tous les volontaires qui avaient “gratté le terrain”, comme l’on dit, pour constituer des tranchées pare-feu.



“Pas d’utilité tactique évidente”

“Le combat s’était gagné au sol, estime Benoît Huber, directeur de cabinet du préfet. Souche par souche. Le Dash 8 avait été utile pour les feux de lisière et pour l’extinction définitive”. Il faut aussi rappeler qu’en métropole, l’avion est employé dans l’attaque indirecte des feux en bombardant de l’eau mélangée à du produit retardant (qui multiplie par 10 le pouvoir d’extinction du feu et évite la reprise). Or il n’existe pas d’infrastructures à la Réunion pour charger ce produit retardant. Alertée depuis mardi soir par la préfecture de la Réunion qui a demandé des renforts de métropole, la direction de la Sécurité civile estime après l’analyse de la situation et l’expérience de 2010 que “l’envoi du Dash n’a pas d’utilité tactique évidente”. Un discours qu’aura du mal à entendre les élus réunionnais et une bonne partie de l’opinion publique convaincus du contraire. Des raisons opérationnelles expliquent ce choix. D’abord, l’intervention du Dash 8 en 2010 a montré que cet avion ne pouvait être pleinement utilisé à la Réunion. En raison des conditions montagneuses et du plafond aérien, la durée d’utilisation de l’appareil sur une journée se trouve réduite : trois heures et demie par jour en 2010.

Second point, à cause de l’altitude du massif des hauts de l’Ouest et du Sud (entre 1 800 et 2 500 m), le Dash 8 ne peut intervenir à pleine capacité : c’est-à-dire emporter avec lui les 10 tonnes d’eau. “Cela n’a rien à voir avec une intervention dans les Landes”, souligne Florent Hivert. Autre argument tactique : pour bombarder efficacement un feu, il faut “matraquer”, considèrent les spécialistes. Pour que l’eau puisse franchir l’étage supérieur de la forêt (la canopée) et s’infiltrer dans le sol plutôt que s’évaporer à cause de la température très élevée. Or avec un Dash, ce matraquage est impossible car l’appareil doit aller se ravitailler à Saint-Denis. Il ne peut effectuer que deux rotations par heure. Et les pompiers ont remarqué que l’eau a du mal à pénétrer dans le sol. Par là où progresse aujourd’hui le feu. “Le choix de la Sécurité civile est donc d’envoyer des troupes”, observe le lieutenant-colonel Hivert. Pour lutter au sol et mener cette guerre de tranchée. D’où les renforts de plus de 60 militaires du détachement d’intervention héliporté avec 7 tonnes de matériel suivi de 184 autres militaires et pompiers. “Les militaires du DIH sont tous des spécialistes de haut niveau, indique le porte-parole de la Sécurité civile. Ils peuvent intervenir en autonomie dans des endroits inaccessibles autrement que par hélicoptère. Justement sur des points particuliers.” Et parmi les nouveaux renforts, on trouve 25 officiers capables de mettre en place des opérations particulièrement délicates comme les contre-feux, de façon à créer des zones où les flammes ne peuvent plus progresser.

Les hélicoptères sont plus précis Dernier argument à prendre en compte : les hélicoptères qui servent de bombardiers d’eau sont plus efficaces que le Dash 8 peu maniable. “Ces hélicoptères peuvent toucher des cibles de façon plus précise dans un relief très accidenté, ajoute le Lieutenant-colonel Hivert. Ils sont plus utiles dans les nouveaux départs de feu ou encore de redémarrage d’incendie”. Selon la préfecture de la Réunion, les quatre hélicoptères utilisés effectuent 50 rotations par jour pour larguer un total de 160 mètres cubes d’eau contre 50 mètres cubes pour le Dash 8.

Pour la Sécurité civile, il n’y a donc pas de “laxisme de la part de l’Etat” dans le choix de ne pas envoyer un Dash 8 à la Réunion. “Ce n’est une histoire de budget et d’économie d’argent”, affirme-t-on à Paris. Quant à la question de savoir si les deux appareils sont disponibles, la réponse de la Sécurité civile est oui. “La saison des feux de forêt en métropole est terminée et ils se trouvent actuellement en configuration transport de troupes mais il ne faut que quelques heures pour les transformer en bombardier d’eau”. Mais pour l’instant, le ministère de l’Intérieur juge que l’envoi d’un tel avion n’est pas nécessaire. Parce que son impact sera symbolique. Sa vraie utilité serait donc d’éteindre la polémique déclenchée par les élus.

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