lundi 15 août 2016

Incendies. Le problème de distinction des fumées et…des nuages !

Incendies. Le problème de distinction des fumées et…des nuages !:
Régulièrement, des témoins, voire des guetteurs dans des vigies rencontrent des difficultés pour identifier un départ de feu réel dans un massif boisé ou dans une plaine, comme ce fut le cas ces derniers jours dans l’Hérault ou encore dans le Gard.
Ce lundi vers 7h, un départ de feu a été signalé au bord de l’autoroute A9, au dessus de l’aire de repos de Milhaud, à l’ouest de Nîmes, où un pyromane sévit depuis un mois. À l’arrivée d’un détachement d’intervention préventif (DIP), il n’y avait pas de flammes et donc pas de fumée. Sûrement un nuage…
Car, souvent en lieu et place d’une fumée, il s’agit en effet de nuages en forme de volutes ou de poussières blanches qui se déplacent dans l’air et dans le ciel, comme dans les zones où il y a de l’activité dans des carrières à ciel ouvert. Ainsi, des automobilistes qui circulent dans le sens Montpellier-Ganges signalent au Codis 34 des incendies de végétation en apercevant en réalité de gros nuages de poussières s’élever des carrières situées entre les Matelles et Murles, sur les hauteurs du hameau de Galabert…
Efficacité du guetteur
Les vigies jouent un rôle de signalement prépondérant l’été. Le guetteur donne deux informations des plus importantes pour les moyens d’intervention : quand et où il y a un feu. S’il donne aussi la nature du feu, les secours ont tous les éléments nécessaires. L’efficacité du guetteur conditionne fortement l’efficacité de l’intervention.
Le principal problème qui se pose au guetteur est de percevoir le moment du signal. Le guet est avant tout une activité d’attente. L’attente de la fumée, l’attente du signal. La difficulté du guet vient de ce que le basculement du non-signal (pas de fumée) au signal (fumée aperçue) est très discret. Le signal visuel se confond avec une multitude d’autres images.
Surveillance automatique 
L’attention du guetteur est la principale fonction qui lui est demandée, c’est aussi celle qui l’ennuie et contribue à dévaloriser cette activité. La déficience du guetteur dans ce domaine se paie en temps. Si le guetteur n’a pas vu la fumée, soit quelqu’un d’autre la signalera et le guetteur, averti par radio, ne fera que confirmer ; soit le guetteur la verra plus tard. Le premier signal d’alerte aura déjà un retard important. Les dégâts s’accroissent et les secours risquent d’être en régime sous-critique.


L’une des réponses à ce problème d’attention que demande le guet, consiste à remplacer l’homme par la surveillance automatique. Les problèmes d’interprétation des signaux à travers l’exemple de la vigie automatique du Gard. Le site du Pont du Gard est boisé et très fréquenté par les touristes, mais la vallée n’est pas couverte par les vigies. En 1997, une vigie automatique avait été installée sur un château d’eau près du site. Il s’agissait de 3 caméras recouvrant ensemble un champ de 90° qui donne sur le Pont du Gard et le massif situé derrière.
 La caméra présentait deux gros avantages : elle détectait très vite, bien avant que l’œil humain ne voie la fumée (5 minutes avant détection aux jumelles), et la détection se faisait continue. Le Sdis 30 avait accueilli favorablement l’idée car il évitait à son personnel d’assurer une activité ennuyeuse. Le signal sonore sécurisait le personnel de garde. Même en faisant autre chose, l’opérateur était alerté.

Inconvénient 
L’inconvénient venait de ce que la caméra détectait trop ! Elle était très sensible et détectait de la poussière d’exploitation de carrière, l’ombre des nuages, une fumée de cheminée de restaurant…etc. Le Codis 30 ne faisait pas d’analyse d’image comme au poste de régulation (PR), il envoyait des moyens systématiquement à chaque alerte. Les secours faisaient 45 Km pour aller sur le site, souvent pour rien. Le Codis 30 n’utilise donc plus ce système de caméras. Les tours de guet ont fait leur retour.
Régime sur-critique 
Dans les Landes, plusieurs expériences ont été menées avec l’utilisation de vigies automatiques. Elles ont été abandonnées; le choix de la détection et de l’interprétation humaine est confirmé.
La qualité de la perception est indispensable pour gagner du temps, mais ne suffit pas. L’interprétation du signal perçu est tout aussi importante. Ce que la caméra gagne en rapidité, elle le fait perdre aux pompiers en les mettant en régime sur-critique.
Pour prendre un autre exemple, beaucoup de détections proviennent de particuliers qui, en circulant, signalent par portable les petites fumées qu’ils voient. Ils les détectent avant qu’elles ne soient visibles par le guetteur. Cependant ils sont beaucoup moins précis quant à la localisation de la fumée car souvent ils roulent et ne savent pas précisément où ils sont. Le temps gagné par le premier signal est perdu souvent pour localiser la fumée plus précisément.
Dans tous les cas le centre opérationnel (CTA-CODIS) fait demander une confirmation aux guetteurs avant d’envoyer ses moyens. L’information du guetteur est plus précise sur la localisation et la nature du feu. Par ailleurs le guetteur a la confiance de l’opérateur.
« Dispositif fumées »
Les acteurs cherchent à se rapprocher du régime critique en faisant le tri entre les différentes fumées. Cependant, si une information précise et rapide est indispensable pour adapter l’intervention, elle ne suffit pas à ce stade pour opérer à une attaque rapide du feu. Entre le départ des moyens d’intervention et leur arrivée sur zone, des problèmes de connaissance du terrain se posent la séparation entre un dispositif « fumées » et un dispositif « feu »
Le Sdis a allégé la charge du Codis en supprimant son lien avec les vigies ; le poste de régulation se chargeant de la communication avec elles. Auparavant la vigie transmettait au Codis qui n’engageait pas forcément ses moyens et demandait au PR de confirmer avec ses patrouilles. Un maillon saute dans le nouveau dispositif (depuis 2003), le cheminement de l’alerte est raccourci. En pratique, le changement s’est fait en transition. Lorsque le Codis n’était pas disponible, il arrivait que les guetteurs signalent leur fumée au PR sur le canal 50.
« La détection, c’est quelque chose que l’on fait mais d’un point de vue réglementaire ça fait pas partie de nos missions. On n’est pas concentré sur la détection, nous c’est la lutte. […] la surveillance des massifs : nous c’est pas ça, nous c’est la lutte » (un officier Sdis du Gard)
Le Codis ne porte plus son attention sur les fumées, mais ne rentre en action qu’à partir des feux. Il se décharge sur le PR du dispositif de traitement des fumées. Le PR et l’ONF c’est pour les fumées, le Codis et le Sdis, c’est pour les feux. Comme quoi il existe des fumées sans feux…
Tri des alertes 
Si ce changement permet aux pompiers de n’intervenir que sur feu déclaré et ainsi de s’affranchir des interventions inutiles, le coût de l’aléa des régimes repose davantage sur le PR. Le tri entre toutes les alertes est réalisé par la triangulation vigie-patrouilleur-PR sur le canal 50 géré par le PR.


Ce changement ne dérange pas particulièrement les agents ONF du PR. Ils ont un peu plus de travail mais, en se chargeant de la communication avec les tours, le PR peut ainsi mieux contrôler le cheminement des premiers messages d’alerte. L’ONF étend un peu plus son champ de participation au dispositif.
« cette année on va englober le système pompier. […] nous allons maîtriser l’ensemble des renseignements fournis » (un agent ONF du PR, Gard)
Le poste de régulation a un rôle plus important. Cela traduit le niveau de confiance que les pompiers ont dans le personnel du PR. Avec les années, le personnel forestier connaît les attentes des pompiers et savent leur fournir un diagnostic approprié. Le PR reçoit et intègre les informations qu’il reçoit des vigies et des patrouilleurs puis les transmet au Codis, qui a ainsi une idée précise de la situation et peut mieux savoir s’il faut envoyer des camions ou non, et combien. Les pompiers apprécient cette aide à la décision. Ils ne sortent pas pour rien, ce qui ménage le potentiel matériel et humain pour les interventions nécessaires.
Diminuer le coût
« le but c’est d’en diminuer le coût. Si la fumée est une fausse alerte, il faut 2 camions et ils font ça 10 fois par jour. Le jour où il y a un feu important, les gens sont nerveusement à plat, c’est nerveux de faire tous ces trajets. Là on économise les gens et le matériel, on est plus fluide » (un agent ONF du PR, Gard)
«l’appel qui dit « ça part fort », c’est 1 sur 50 ou 1 sur 100. c’est pas tous les appels.
Le PR, lui, il peut engager ses moyens systématiquement, moi je n’engage pas systématiquement mes groupes d’intervention. Je peux pas éclater tous mes moyens comme ça. La priorité est au feu naissant ; si à chaque fumée j’explose mes moyens, c’est pas cohérent. » (un officier SDIS, Gard).
Bref, l’été est loin d’être terminé pour ces acteurs de la lutte contre les feux de forêt.  Une bonne gestion du signalement et de l’alerte est vitale en cette période où les pompiers sont beaucoup sollicités.
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