vendredi 8 juin 2012

Pau : le harcèlement moral reconnu et condamné

Relaxé le 26 août 2011 en première instance, Michel Tastet, a été condamné hier par la cour d'appel de Pau à dix mois de prison avec sursis pour harcèlement moral à l'encontre de Bernard Cazenave, technicien du service départemental d'incendie et de secours (Sdis) à Pau. Ce dernier s'était tué d'un coup de fusil devant le bureau de son supérieur hiérarchique le 30 juin 2009. Si dans un premier temps, le procureur Maurel avait classé l'affaire, son successeur, Jean-Christophe Muller l'avait réactivée suite à une plainte de la famille Cazenave pour harcèlement moral. L'enquête avait été confiée à la police judiciaire. Si lors de la première audience, le juge avait considéré que le caractère répété des brimades n'était pas établi, cela ne fait aucun doute pour les magistrats de la cour d'appel.
Au regard des témoignages et des propres déclarations du prévenu, la cour considère que "les faits (de harcèlement) n'ont pas eu un caractère isolé mais que bien au contraire ils ont été répétés". La cour note également que "la pression exercée par M. Tastet sur M. Cazenave et les vexations sont à l'origine de la dégradation morale des conditions de travail de ce dernier". En conséquence, la cour estime que "l'infraction dénoncée est constituée".
Sur l'action civile, la cour d'appel estime que "si le harcèlement moral a été commis à l'occasion du service, il s'en détache car le prévenu n'a reçu aucun ordre et a agi de sa propre initiative". Dès lors, il s'agit d'une "faute détachable du service" ce qui permet à la cour de statuer sur les demandes indemnitaires.
Au total, la cour d'appel condamne Michel Tastet à dix mois de prison avec sursis, au-delà des réquisitions. Il devra en outre verser 30 000 euros de dommages et intérêts à la veuve de Bernard Cazenave, 25 000 à chacun de ses deux enfants et 15 000 à son frère. "C'est satisfaisant mais je suis trop émue pour répondre", glissait la veuve de Bernard Cazenave avant de s'éclipser avec ses deux enfants. Leur avocat, Me Arnaud Domercq, se disait "très satisfait pour la mémoire de Bernard Cazenave". "La première décision ne correspondait pas à la qualification des faits. Nous avons ici une décision très motivée. La culpabilité est retenue et il s'agit d'une faute personnelle détachable du service", souligne l'avocat. "La lutte a été très longue mais j'ai toujours eu confiance en l'issue car le dossier révélait les faits constitutifs du délit", insiste Me Domercq.
Défenseur de Michel Tastet, Me Jean-Pierre Casadebaig constate que "la décision prend le contre-pied du jugement qui avait relaxé mon client. L'arrêt n'évoque pas la responsabilité collective. Michel Tastet est le bouc émissaire de cette affaire", soutient-il. "C'est cruel pour lui. C'est lui qui est le seul responsable, même humainement c'est inacceptable et injustifié". Me Casadebaig a cinq jours pour se pourvoir en cassation. "Il y a la place pour un pourvoi car le harcèlement doit avoir un caractère répétitif, ce qui n'est pas le cas", affirme-t-il. De son côté, Me Domercq n'exclut pas de poursuivre le Sdis devant le tribunal administratif pour obtenir des compensations financières en faveur de la famille Cazenave.
"Une décision de justice ne se discute pas. Mais il est tout de même étonnant qu'à quelques mois de distance, Michel Tastet soit relaxé, puis condamné au-delà des réquisitions. C'est un collaborateur de qualité et depuis que je suis président, je n'ai pas eu à connaître de fait particulier de harcèlement le concernant." C'est ainsi qu'a réagi hier Yves Salanave-Péhé, maire de Monein et président du Sdis. Il a d'ailleurs envoyé de Rome, où il était en vacances, un message SMS "de compassion et de sympathie" à son collaborateur qui a conservé son poste au Sdis. Yves Salanave, précise encore les engagements pris vis-à-vis de la veuve de Bernard Cazenave, qu'il a rencontrée deux fois. "Elle va être embauchée au conseil général dans les semaines qui viennent", indique-t-il en rappelant que le Sdis avait tout fait pour que l'ensemble de ses droits soient préservés.

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